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ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson.
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23 juillet 2009

J'vais pas me faire mal pour faire face au monde.

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Vue de loin, elle ressemblait à rien.
Elle avait des dreads bruns foncés, une vieille robe à fleur, les mains dans les poches et les épaules tassées. T-a-s-s-é-e. Rien que de loin tu savais qu'elle faisait pas exprès. Tu savais que c'était une salope, qu'elle allait te faire crever, mais qu'elle ferait pas exprès. Qu'elle te regarderait avec les sourcils levés; la bouche entrouverte et qu'elle s'en foutrait pas. Mais que tu crèverais d'elle, quand même.
Déjà cette fille, quand elle s'avance vers toi, elle te sourit. Malgré elle, hein, elle fait pas exprès. Elle te tend une joue fraiche, et puis tu crois que c'est fini, une si grande bouffée d'air d'un coup, ça peut que s'arrêter là, mais elle te tend l'autre. Elle devrait pas, t'essayes d'en choper une troisième, mais elle se recule, et elle se tait. Elle fait semblant, en fait, parce que tu sais, elle a un million de choses à dire, intéressantes ou pas. Mais elle fait semblant d'aimer le silence. Mais ça c'est vu de loin.
C'est le matin, vers 6h, à la limite du jour, qu'elle prend vraiment forme. Entremêlée dans ta couette, ses serpents de cheveux en bataille, et les yeux à peine fermés, c'est là que tu la sentais pleine, entière. Si elle le voulait, elle pourrait se lever, ouvrir ta fenêtre à volets rouges et s'envoler. Si elle le voulait.
Mais le truc, c'est que tu sais jamais bien ce qu'elle veut. Elle est à mi chemin entre le devine-moi et le chut-tais-toi. Alors t'essayes de deviner, en te taisant, parce que le silence, il faut apprendre à aimer, et toi tu as appris. Tout comme tu as appris à ne plus poser de question, à te réveiller avant 6h pour pouvoir la regarder rosir. Mais attends toi à ne plus savoir à quoi t'attendre. C'est quand tu descends faire du café qu'elle s'en va. Et elle ne fait pas exprès de pas te laisser son numéro. Elle a oublié.
Le plus souvent, si tu la jettes, c'est que t'en peux plus de tant de silence. De silence forcé. En fait, le plus souvent c'est toi qui la jettes, mais c'est elle qui est contente. Mais sans méchanceté, elle est contente de pas avoir eu à te blesser intentionnellement. Tu penses, c'est bien plus facile pour elle de te faire gueuler sans faire exprès que d'être une vraie salope insignifiante mais intentionnelle.
Alors après tu la revois, dans la rue, toute rose, toute fraîche, dans une nouvelle robe, avec un nouveau mec. Qui la regarde comme toi tu la regardais, qui pense la même chose que ce que tu pensais.
C'est pas possible cette fille, elle est pas possible.
T'as envie de crier à l'imposture, de dire à ce mec, fais gaffe, elle fait pas exprès, mais fais gaffe. Mais tout compte fait, t'as pas réellement envie de la faire pleurer. Pas intentionnellement. T'as beau essayer, tu te rappelleras toujours de ce morceau de fleur qui dormait dans ton lit. Tu te réveilleras toujours avan 6h, pour regarder les serpents, sa jambe pliée, ses mains en bordel, sauf que t'auras qu'un blanc, un énorme trou béant. Parce que maintenant, elle dort chez cet autre mec, qui en a marre, comme toi tu en avais marre. Il faut lui dire de profiter, tant qu'elle est là, parce qu'il va jeter et que ce sera lui qui aura l'impression de dormir dehors. Il faut que tu lui dises. Parce que je l'ai serrée, comme toi, aussi fort que j'ai pu, et que ça ne l'a pas empêchée d'oublier de me laisser son numéro. Parce que je l'ai écoutée, j'ai écouté le silence qu'elle me crachait à la gueule, et je me suis tu aussi, je n'ai rien dit d'autre que du vide. Parce que, moi aussi, j'ai voulu lui faire du mal et je me suis ravisé en voyant ses yeux verts se tremper. Je sais pourquoi tu l'aimes, je sais pourquoi tu veux qu'elle parte, je sais pourquoi elle te coupe le sifflet. Il faut qu'elle parte, mais garde au moin l'empreinte de ses mains sur toi, garde un peu la chaleur que ça te faisait, tout ce silence.
- C'est bon, t'as tout?
- Oui.
- Alors salut.
- Au revoir.
C'était aussi simple que ça. Aussi calme et aussi silencieux. La porte ne claque pas, tu ne t'éffondres pas sur le canapé, elle ne pleure pas en dévalant les escaliers. Mais tu peux pas t'empêcher d'avoir ce gout d'amputation.
Tu recommences à fumer, tu pers trois kilos, mais jamais t'admettras que c'était mieux, quand elle était là.

Photo de Flavie Brizard *

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Commentaires
G
J'aime bien :]
M
J'aime beaucoup tes textes . C'est vrai qu'ils se "ressemblent" mais je crois que c'est ta signature ce petit truc qui fait qu'un de tes textes fait penser a un autre de toi . <br /> <br /> J'aime ! Bravo :)
F
Tu sais Louve, j'adore tes idées, j'adore l'ambiance. <br /> Attention à ne pas devenir répétitive dans les expressions, cependant : tes textes se ressemblent.<br /> J'adore ce que tu fais. Bravo !
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