j'ai pas le coeur à rire mon amour, j'ai pas le coeur à faire semblant, je veux plus faire la petite fille égarée.

  Cette nuit ma fille, c'est la bonne, enfin, ça y est, des litres et des litres de larmes, des sanglots jusqu'à ten étouffer, du dégoulinant, du larmoyant, du pathos, comme tu aimes, ça va être bon, ça va être trempé. Enfin, ça va sortir, tout ce pot pourri de tristesse, de haine, de désespoir et de déception, ça va enfin couler, se répandre partout, tu vas enfin pouvoir t'engluer dans toute cette peine, ils vont comprendre. Ils vont piger ces connards, que t'as le coeur tout ramolli et rapiécé, que c'était pas le coup fatal, mais que ça fait mal au cul quand même, que ça a fait un battement dans le vide, que ça a cogné plus fort pendant quelques minutes, et que ça ne bat plus du tout maintenant, ça leur viendra peut être à l'esprit que tu souffres, ou que t'essayes de souffrir, parce que tu sais que tu devrais. Tu te connais, tout de même, tu sais que t'aurais du exploser dès le début, c'était mauvais de te retenir, de te conserver pour un moment plus propice aux pleurs, c'est resté bloqué dans ta gorge pendant que t'avalais, c'est tout, mauvaise digestion, ça t'apprendra à rien manger, t'as oublié comment ça faisait de s'étouffer. Ca te tuera pas, mais ça pourra pas te rendre plus forte, puisque ça ne te fait rien. Comment c'est possible, hein, d'être vide comme ça? ils pourraient faire tout ce qu'ils veulent sous tes yeux, tu resterais aussi dessechée d'émotions? Surement pas. Il faut quoi alors, qu'ils se foutent à poil et se tripotent pour que tu réagisses? Réagis maintenant, tout de suite, là, sinon tu vas rester marbrée toute ta vie, tu seras plus qu'un vieux carton trempé qu'on pourra tordre dans tous les sens? Ca te plairait? C'est pas un peu ce qui t'arrive déjà? Apprends à mastiquer, pauvre conne, au lieux de te plaindre et de te dire persécutée. Personne te persécute, tout ce qui t'arrive c'est ta faute, tu l'as pas volée, ni celle là, ni toutes celles d'avant, ni les prochaines à venir. Tu sais bien comment ça va finir, mais t'y vas quand même en faisant tes petits yeux inquiets. Inquiets de quoi, sale cruche, tu sais déjà tout! Tu sais très bien que tu vas te péter en plein vol, paf, stoppée dans son élan la jeune biche qui faisait semblant de gambader gaiement. Arrête d'être un gibier, arrête de vouloir donner, aime toi toute seule, qu'est ce que t'as besoin qu'on le fasse à ta place, on veut pas t'aimer, on veut pas de toi nous, t'es bien trop encombrante, tu sais le temps que ça nous prend de t'aimer? Faut te faire manger, te bercer pour que tu dormes, te prêter des tee shirts, te filer nos gourmettes, te caresser les cheveux, te regarder avec émerveillement mode silencieux, te dire que t'es belle, et t'écouter nous expliquer pourquoi non, tu n'es pas belle, te mettre de la musique, et de la bonne, nous taire, mais pas trop, deviner quand on doit se taire en fait, venir te chercher, te raccompagner, répondre quand t'appelles, dire oui, dire non, sans avoir l'air de te dire juste ce que tu veux entendre, et putain, n'aimer que toi, tu crois que ça se peut ça, tu crois qu'on peut n'aimer que toi, toute cabossée, toute difforme, toute pourrie à force de s'étrangler avec ta tristesse de merde, tu crois que même avec toute la bonne volonté qu'il nous reste, on peut se contenter de toi?
Réflechis, sois lucide, t'es douée d'habitude.