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ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson.
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15 avril 2009

Nouveau document au format RTF.

  P1030420





  Elle est descendue au bout de quelques minutes. Parce que sa mère l'avait appelée, ou parce qu'elle n'aimait pas les invités. Elle avait toujous été hostile aux étrangers, ils ne savaient pas, ils ne savaient rien, mais ils venaient. Pourtant elle savait bien qu'eux n'étaient pas totalement inconnus à sa maison. Ils étaient revenus. Quelle différence?
- Anna, Ha-tan.
- Salut.
- Salut.
  Lui, dès le début avait su que c'était elle, la soeur dont on lui avait parlé. Qu'il n'avait pas vue mais qu'il avait pu imaginer, grâce à la retenue avec laquelle sa mère parlait d'elle.
C'était elle, donc.
  Ca n'avait aucune importance de toute façon, il allait juste pouvoir la regarder manger, et tenter de la faire parler. C'est vrai putain, quelle importance?
  Pendant le repas, Roxane ne quitta pas des yeux sa fille. Pas même pour un passe-moi-le-sel. Elle la connaissait par coeur. La plissure, en dessous de ses lèvres, la petite ombre à l'extrémité de son sourcil, les fossettes sous ses yeux. Elle savait exactement que ce que sa fille voulait montrer. De la joie, de l'humilité, et du respect. Mais elle savait, et ça tout en l'aimant, ce que sa fille était.  Bien sûr que non, elle pouvait pas s'empêcher d'adorer ce petit bout tout pâlot et souriant qu'elle avait vu naître et grandir. Après tout, elle finirait par revenir. Ces ingrats d'enfant finissent toujours par revenir. Elle vous aime, vient se blottir au creux de votre épaule, ça vous chatouille, ce petit souffle plein d'amour. Elle vous demande " Maman pourquoi tu pleures" mais il ne faut jamais répondre. Elle vous console, un peu, elle vous demande de l'accompagner, chez machin, chez truc, et puis un jour, elle y va seule. Elle vous lâche la main, elle glisse longtemps sur votre poignet, vous vous efforcez de vous rappeler la chaleur que ça vous faisait, quand elle était encore blottie, là, à cet endroit exprès pour elle, pour elle seule. Elle vous sourit à distance, puis elle ne vous sourit plus. Mais elle finit toujours par revenir. Anna partait, en ce moment même, de seconde en seconde, elle glissait, dégoulinait, s'envolait. Roxane avait beau tendre la main pour être toujours plus près, toujours, rien ne changeait, elle ne sentait plus que le parfum de sa fille, et plus son cou. Anna ne regardait même pas sa mère, comme elle le faisait avant, comme pour lui demander regarde maman, je suis comme toi, je fais comme il faut hein? Je fais tout comme il faut. Tss, elle s'en foutait bien de faire comme il fallait maintenant, y aavait qu'à voir le regard fiévreux et perçant qu'elle jetait à Ha-tan. Petite pimbêche, il est de la famille, sa mère est de la famille, il revient te voir, il revient chez lui, ou presque, et t'es là, à le toiser avec dédain. Ingrate.
  Et après, elle s'en va, marcher un peu dehors, pieds nus, faire sa diva avec cet étranger de retour. Il est de la famille, rappelle toi Roxanne. Tu fais plus la maline là. Te voile pas trop la face, si tu crois que je sens pas tes cheveux après, que cette odeur me rappelle pas mes propres quinze ans, tu te trompes. Ingrate, ingrate, ingrate.
- A toute à l'heure.
- Moui.

  Elle avait l'air con, vraiment. Pas cet air con qui attendrit, ce petit air naïf et adorable de candeur. Nan, une vraie débilité, profonde, dans les yeux. Il savait pas très bien qui l'avait faite comme ça, à cause de qui elle voyait comme ça, mais ça le désolait. De voir cette petite enveloppe, qui s'envolait presque dans la nuit, aussi barbouillée de conneries. Ca aurait presque été insupportable sans ce sourire. Que presque tout le monde connait, d'ailleurs. Anna souriait malgré elle, toute encrassée qu'elle était. Malgré elle, c'est con, c'est surcon, elle souriait, même si la lui faisait peur, même si le revenant lui faisait peur, parce qu'elle savait bien que lui la connaissait, qu'elle pourrait toujours faire la crasseuse, il savait très bien, finalement. Il pouvait lui faire peur comme il voulait dans la moiteur de la nuit.
  Ils s'étaient posés sur le muret en pierre, et ils ne parlaient pas, bien sûr. C'aurait été trop simple qu'il lui dise que sa mère l'avait vue, alors qu'elle était toute petite, comme ça, minuscule, et qu'aujourd'hui, elle avait grandi. Que c'était chiant, ce temps, qui passait, tout le temps, que lui n'avait jamais pu la voir petite et encore prerservée qu'elle était, et qu'il aurait voulu, qu'elle ne pouvait pas savoir à quel point il aurait voulu. Elle lui aurait répondu je m'en fous, je m'en fous de toi, je m'en fous de ta mère et de ton putain de temps, qu'est ce que ça peut me foutre que tu veuilles ou non. Et ç'aurait été trop simple. Alors sans parler, ils ont essayé de se voir. Il a essayé de voir ce sourire, cette foutue expression qui disait je sais très bien que tu me regardes, mais je vais faire comme si. Comme si je m'en foutais, alors que tu sais très bien, et j'ai pas besoin de te le dire, c'est pour ça qu'on se tait, que tu sais parfaitement, même, que ça me fout la trouille. Elle essayait de voir derrière ce sourire, de voir juste une seconde ceisage, dont elle n'arrivait pas à se rappeler. Il n'était pas loin, pourtant, il avait toujours été là, à côté, pas loin, sous la main. Il était toujours resté là, courbé sous une feuille morte, dépiécé dans les bourrasques de vent, haché entre toutes ces lèvres, il échappait à tous ces mots, il glissait sur toutes ces mains. Il avait et serait toujours là, et elle n'avait pas besoin de son visage pour le savoir, elle n'avait pas besoin de se rappeler, elle savait.



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